Marseille : Vect-Horus touche le cerveau en plein cœur


Marseille : Vect-Horus touche le cerveau en plein cœur

La société de biotechnologies Vect-Horus a été cofondée en 2005 à Marseille par le Dr Michel Khrestchatisky, directeur de recherche au CNRS, et directeur du laboratoire de neurobiologie des interactions cellulaires et de neurophysiopathologie (CNRS/Aix-Marseille-Université), basé à la Fac de médecine Nord, et Alexandre Tokay, spécialiste en financement des entreprises, qui s’est chargé des premières levées de fonds.

Son objet ? Utiliser les récepteurs et transporteurs présents dans la barrière hémato-encéphalique (protection du cerveau) pour transporter des médicaments dans le tissu nerveux. « L’idée est d’utiliser ces récepteurs et transporteurs pour les tromper en quelque sorte, en leur demandant de transporter, non seulement l’agent naturel qu’ils vont capter dans le sang pour l’amener au cerveau, mais également le vecteur qui s’y accroche, lui-même étant associé à un traitement thérapeutique ou à un agent d’imagerie », résume le Dr Michel Khrestchatisky.

Coup de froid dans le cerveau

Démarrant avec 150 000 euros la première année, la société a levé 11 millions d’euros en fonds propres et 6 millions de subventions et crédit impôt recherche, le laboratoire bénéficiant lui d’un million d’euros. L’Agence nationale de recherche (ANR) a financé pas moins « de sept programmes en 8 ans ». « En 2016, le chiffre d’affaires ne sera pas encore significatif mais en 2017 on va viser entre 500 000 et 3 millions d’euros », détaille Alexandre Tokay, président de Vect-Horus.

La technologie a démontré son fort potentiel avec des applications très concrètes dans les maladies neurodégénératives (Alzheimer) mais aussi certains cancers (tumeurs cérébrales). Après Sanofi, la société a signé avec le laboratoire Servier, en vue de développer de nouvelles molécules pour soigner des maladies du système nerveux central. Pour l’heure, une recherche est déjà bien avancée. Il s’agit de la vectorisation au cœur du cerveau d’une molécule endogène, la neurotensine, pour induire une hypothermie.

Cela réduit considérablement les lésions après un arrêt cardio-respiratoire, AVC ou un trauma crânien. La banque publique d’investissement a réalisé une avance remboursable de 725 000 euros pour la réalisation de cet essai pré-clinique réglementaire que Vect-Horus est la seule au monde à développer, selon la société. La réalisation du cahier des charges imposé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est en cours.

« On sait depuis longtemps que la seule façon de diminuer les lésions suite à un traumatisme crânien ou un arrêt cardiorespiratoire, c’est l’hypothermie, explique le chercheur. A savoir que « l’activation du métabolisme cérébral lors des lésions est délétère, et qu’en diminuant la température on diminuera les conséquences ».

 Collaborations scientifiques

Jusqu’à présent les thérapeutiques médicales sont externes : apport de glace, casque réfrigérant, injection de produits froids, de gaz froid dans les poumons etc. « On s’est intéressé à un neuropeptide, la neurotensine. Si on injecte cette molécule dans le cerveau on induit une hypothermie. Elle régule le thermostat cérébral de votre température corporelle. Mais cela ne marche que si on l’injecte dans le cerveau ». Sauf qu’on pratique peu les injections intra-cérébrales. Les équipes ont donc travaillé sur un vecteur associé à la neurotensine. Puis le vecteur et la neurotensine ont été optimisés, afin d’arriver à « une molécule stable qui se fixe très bien sur les récepteurs du transport ».

Résultat : « quinze minutes après l’injection dans le sang on observe l’effet hypothermiant ». Un formidable neuroprotecteur est en passe de naître. Des arbitrages sont en discussion sachant que la société n’envisage pas d’aller au-delà de la phase I, c’est-à-dire le test de bonne tolérance ou pas, d’une molécule sur des patients. Des considérations purement économiques mais essentielles pour l’apport au secteur R&D qui représente chez Vect-Horus « 80% des coûts ».

Globalement Vect-Horus se fixe deux axes stratégiques. Le premier passe par la preuve de concept, la validation de sa technologie de vectorisation, pour ensuite licencier, c’est-à-dire vendre la technologie à l’industrie. Le second se base sur des collaborations scientifiques et académiques notamment AP-HM, AMU, CNRS, Inserm, CEA, pour le développement de médicaments. Les équipes ont investi la dynamique de DHUNE, fédération hospitalo-universitaire du CHU de Marseille, labellisée centre d’excellence dans les maladies neurodégénératives. Et là, l’innovation par vectorisation pourrait jouer à plein puisque les molécules actuelles ne passent pas la barrière.

Deux projets sont en cours : la vectorisation d’anticorps thérapeutiques en partenariat avec Sanofi, et « le développement de nos propres anticorps que l’on pourrait conjuguer avec nos vecteurs, en utilisant des molécules libres de droit ».

Source: La Marseillaise